Analyse sociolinguistique de productions langagières de petits Réunionnais de 2 à 4 ans

Mylène LEBON-EYQUIEM (LCF - Université de La Réunion)

Dans le cadre de la thématique de la transmission linguistique, nous nous proposons de rendre compte des compétences linguistiques acquises par l'enfant avant ou lors de son entrée en maternelle et de certains des mécanismes à l’œuvre dans l’acquisition du langage. En effet, des observations montrent que les Réunionnais ne s’expriment pas uniquement en français ou en créole mais plutôt dans une très large gamme de variations qui comprend bon nombre de formes intermédiaires. Les spécificités des paroles de locuteurs réunionnais s’apparentent à celles des formes interlectales mises en évidence et décrites par Lambert Félix Prudent sur le terrain martiniquais (Prudent, 1993).Il existe une réflexion approfondie sur l’existence possible de normes développementales endogènes (Georger, 2011 ; Lebon-Eyquem, 2010a et b, 2013 ; Prudent, 2005 ; Wharton, 2006). Pour tenter de déterminer les spécificités linguistiques des énoncés enfantins à La Réunion, nous nous sommes centrée sur les caractéristiques syntaxiques de discours d’une centaine d’enfants réunionnais âgés de 2 à 4 ans. Pour ce faire, avec l’aide d’enseignants de maternelle, nous avons mené une étude longitudinale dans les différentes régions de l’île (Saint-Benoit, Saint-André, Saint-Denis, le Port, Saint-Pierre et le Tampon) : durant 36 mois, les jeunes témoins ont été enregistrés, à intervalles réguliers tous les 2 mois, lors d’échanges dans le milieu scolaire et familial. Ces productions ont été en majorité retranscrites et analysées par une équipe multi-catégorielle composée d’enseignants de maternelle, de conseillers pédagogiques, de formateurs de formateurs, d’orthophonistes et de linguistes. Une comparaison a été établie avec les normes développementales de Philippe Boisseau (2005) (constituant une référence pour l’institution scolaire) et en particulier celles relatives à l’emploi des prépositions, des pronoms, des modes et temps verbaux et de la subordination.

Les résultats mettent en évidence la présence de productions relevant d’une acquisition langagière en cours, mêlant souvent français et créole, validant ainsi l’hypothèse interlectale de Lambert Félix Prudent (1993).