Transmissions et construction des langues : le créole réunionnais dans l’océan Indien

Gillette STAUDACHER-VALLIAMEE (Département créole, LCF EA 4549, Université de La Réunion)

Cette contribution poursuit l'examen de la transmission linguistique en créole réunionnais et prend appui sur le point de vue théorique de la construction des langues (C. Hagège, 1992, G. Staudacher-Valliamee, 2007). Si dans les deux processus fondamentaux – la lexicalisation et la grammaticalisation – les transmissions peuvent être posées comme achevées dans l'espace et le temps de la pidginisation et de la créolisation des langues à Bourbon (P.A. Caulier, 1764), le fonds commun en usage dans le créole contemporain et actuel éclaire utilement l'étude dynamique du lien entre structure et changement. Notre analyse linguistique repose sur deux types de fonctionnement retenus sur le critère de leur stabilité dans le temps et de leur fréquence dans le discours : le premier convoque les unités verbo-nominales ou verbants (G. Staudacher-Valliamee, 2004, 2011). Le deuxième, plus technique et exposé à la modernisation, concerne l'expression de la mesure et de la quantité, le vocabulaire et les gestes professionnels dans l’exploitation de la canne à sucre. Ils traduisent à la fois les interventions scientifiques  sur les produits de la terre et les formes grammaticales et lexicales que la langue construit pour y répondre. Ces activités  invitent à regarder de plus près la nature et le rôle de nouveaux vecteurs sociaux, environnementaux par lesquels opèrent ces transmissions linguistiques en cours. Nous nous demanderons s'ils sont identiques à ceux identifiés comme pertinents dans l'histoire des langues en général et des créoles en particulier (R. Chaudenson, 1974, W. Labov, 1997, G. Staudacher-Valliamee, 2001).