L’acquisition de la langue maternelle (enfants de 4 à 10 ans) se réalise-t-elle vraiment de façon universelle ?
Claire MARTINOT (Professeur de linguistique, Université Paris-Sorbonne, ESPE — EA 4509 Sens Textes Informatique Histoire)
La langue maternelle est certes transmise à l’enfant à partir des énoncés qui sont produits dans son environnement immédiat mais l’enfant joue un rôle actif dans ce « passage » dans la mesure où il reproduit très rarement à l’identique ce qu’il a entendu. L’enfant n’acquiert donc pas sa langue maternelle en répétant mais en déconstruisant, reformatant les énoncés sources sur lesquels il s’appuie pour parler, c’est-à-dire produire des prédications. Nous désignons ce principe dynamique par le concept de Reformulation que nous définissons comme suit :
Tout processus de reprise d’un énoncé antérieur qui maintient, dans l’énoncé reformulé, une partie invariante à laquelle s’articule le reste de l’énoncé, partie variante par rapport à l’énoncé source, est une reformulation (Martinot, 1994).
Nous présenterons les différentes procédures de reformulation que nous avons répertoriées et montrerons que les enfants n’utilisent pas les mêmes selon leur âge. Nous montrerons également que, dans la même tranche d’âge, la reformulation des phénomènes linguistiquement complexes (au niveau syntaxique, lexical et sémantique) diffère sensiblement d’un enfant à l’autre. Ce constat nous amène à nous interroger sur la cause de ces disparités et sur le rôle que l’institution scolaire peut jouer pour compenser le déficit langagier de certains enfants.