Ethnopharmacologie et linguistique ; les noms vernaculaires des plantes aromatiques et médicinales de l’Ile de La Réunion, leurs sens et leur pertinence aujourd’hui
Claude MARODON (Docteur en pharmacie, Président de l’APLAMEDOM Réunion)
Aborder l’ethnopharmacologie sous l’angle de la linguistique créole de l’île de La Réunion est une démarche primordiale. On peut définir l’ethnopharmacologie comme la validation scientifique des allégations attribuées aux plantes médicinales traditionnellement utilisées dans une région donnée, à un moment donné. Lors des enquêtes, nous allons aborder la précision et l’importance de retranscrire dans la langue d’origine, les moyens de transmissions intergénérationnels et le contexte dans lequel ils s’expriment, les noms vernaculaires des remèdes (zerbaz), les allégations qui leur sont attribuées (fiev, tension…), les méthodes de préparation (infiger, fé bouillir…) et les précautions d’usage. Ces données constituent une base de travail d’une grande richesse pour aborder la botanique (les « bois », les « faux », « lingue à –», « marron »…), le mode de préparation (infiger, passer…) ou l’analyse de la composition physico-chimique de la plante (amer, doux…), la pharmacognosie (doulèr…). La situation de l’île par son isolement, son éloignement, sa composition métissée, et son contexte sanitaire passé et présent (autrefois paludisme, parasitoses, infections… et récent comme l’épidémie de chikungunya , dengue…) fait un espace d’observations et de collectes de données exceptionnel. Il n’est pas rare qu’une drogue végétale comporte plusieurs noms selon les régions (histoire, ethnies, descriptions…) et que ces noms varient dans le cours de l’histoire, avec à chaque période, un sens pour la reconnaissance et son usage. Nous allons aborder par quelques exemples ce que signifient certains noms et propriétés de plantes aromatiques et médicinales, utilisées à l’île de La Réunion.